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Swiss Peaks par Sylvain 09/2024

  • izgui5
  • 22 sept. 2024
  • 10 min de lecture

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Nous vous proposons avec grand plaisir de lire l'aventure de Sylvain dont la plume est aussi légère que ses pieds !


Après avoir couru le Grand Raid de la Réunion en 2023, je recherchais pour 2024 un autre 100 miles plus orienté montagne, voire haute montagne et réputé pour la beauté de ses paysages.


C'est ainsi que je suis tombé sur le site web de la SwissPeaks, course organisée depuis 2017 en Suisse et proposant un parcours plus qu'alléchant avec une visite bien complète des versants Sud du Valais Suisse. Une difficulté manifestement bien établie avec une distance de 170km et 11500m de dénivelé positif et plus de 13000 en négatif (départ à 2300m d'altitude, arrivée sur la commune du Bouveret, au bord du lac Leman à 400m d’altitude, un profil plutôt descendant finalement 😊). Je ne m’attarde pas sur les formats supérieurs proposés par l’organisation, un 360 km et pour la toute 1ère fois, un 660 km et 49000D+😨.


Le 100 miles me semble être une distance suffisante pour moi et déjà un sacré défi. Les teasers photos et vidéos disponibles sur le site me confortent dans mon choix et qui plus est, l'inscription est immédiate, sans tirage au sort. L'itinéraire de la course passe par quelques sentiers que je connais puisque je vois sur le profil des noms comme Champex-Lac, Col de la Forclaz ou Trient, endroits fréquentés par le tour du Mont Blanc et donc l'UTMB.

Tout cela finit par me convaincre d'en faire mon objectif principal de l'année.


Je place quelques courses de préparation en cours d’année comme le GR73 dans le massif des Bauges en mai puis l'UT4M à Grenoble en juillet afin de me refamiliariser avec les forts dénivelés.


La préparation se passe plutôt bien même si, courant août, à un mois de la course, les genoux commencent quelque peu à grincer. Rien de véritablement bloquant mais suffisant pour insinuer un léger doute dans mon esprit. C'est donc avec quelques incertitudes que je me rends en Suisse mais le moral est bon donc à voir sur place.


La veille de la course, tous les coureurs reçoivent un mail de l'organisation nous annonçant qu'un parcours de repli est activé pour le début de course, la météo ne permettant pas de partir du barrage de Grande Dixence (plus haut barrage d'Europe). Moi qui me faisais une joie de découvrir ce lieu, c’est raté et je vais devoir y revenir.


Nous partirons donc de la station de ski de Thyon, ce qui ne change pas grand-chose, ne connaissant pas plus cet endroit que l’autre. Le Kit Grand Froid est aussi activé nous obligeant à prendre un peu plus de vêtements chauds et/ou imperméables dans notre sac de course.

Réveil à 4h20 le jeudi matin afin de prendre la navette à 5h30 qui doit nous emmener au départ. La température est finalement assez douce pour l'instant ce qui est une bonne surprise. Me voilà donc parti pour environ 1h30 de car, direction Thyon, station de ski du Valais. La pluie arrive en cours de route, ce qui augure d'une journée difficile.


Le départ est donné avec la présence d'Aurélien Sanchez, 1er finisseur et vainqueur français de la Barkley en 2023 et arrivé en 3ème position la veille sur le plus grand parcours de cette SwissPeaks (660 km pour rappel 😱). Un immense champion d'une simplicité incroyable.

Il pleut légèrement, le ciel est bas mais pas complètement bouché nous permettant de profiter un peu du panorama.

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Le début de course, parcours de repli oblige, est sans grand intérêt, se limitant aux pistes forestières et pistes de ski pour assurer notre progression. Il nous faut attendre que la météo s'améliore (ce qui est prévu) pour retrouver le parcours initial et donc les hauts sommets, synonyme de plus beaux panoramas.

Pour l'instant, je me force à m'économiser pour la suite en essayant de rester dans un petit groupe de coureurs mais sans trop en faire. Les sensations sont plutôt bonnes.


Les kilomètres passent, la pluie s'atténue un peu avant d’arriver au 1er ravitaillement au km 12. Mais là, c'est un véritable déluge qui nous cueille. Tous les coureurs présents trouvent refuge sous le petit barnum du ravitaillement ou près des bâtiments des remontées mécaniques. C’est le sauve qui peut général, tous aux abris. Mais le froid qui commence à me saisir me force à repartir même si je serais bien resté à l'abri quelques minutes de plus.

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J’accélère donc le pas pour me réchauffer et je finis par arriver au sommet du col de Chassoure à 2739m d'altitude, sur le domaine skiable de Verbier.

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J'aborde la grande descente qui doit nous mener au 1er vrai ravitaillement, à Lourtier, à 1060m d'altitude - km 28, soit 1600m de dénivelé en descente. Il ne faut surtout pas s'enflammer et s'économiser au maximum. La pluie s'est arrêtée et je commence à sécher, nickel niveau moral.


Ce 1er ravitaillement, bien au sec dans un bâtiment, est l'occasion de souffler un peu après 4h de course. Je n'ai malheureusement pas d'assistance et j'envie les coureurs à qui on amène un sac rempli de vêtements secs leur permettant de se changer de la tête aux pieds. De plus, je me rends compte que j'ai commis une erreur en préparant mon sac de course puisque j'ai omis de prendre une paire de chaussettes de rechange. Elles sont toutes dans mon sac suiveur mais je dois atteindre la 1ère base vie, km 85, pour en profiter. Je ne le sais pas encore mais je vais payer cher cette erreur.


Au moment de repartir de ce ravitaillement, en sortant du bâtiment, je m'aperçois qu'il y a une distribution de part de raclette pour les coureurs. Quoi ! De la raclette ! Il n'y a pas à dire, nos amis suisses savent recevoir 😊. Alors que la pluie est repartie de plus belle, je m'accorde 5 minutes supplémentaires de pause pour déguster ma pomme de terre recouverte de ce merveilleux fromage. Je ne sais pas si ça va me faire courir plus vite ou plus longtemps mais tout ce qui contribue à améliorer le moral est bon à prendre. Et vu ce qui tombe, je suis très très bien sous la tente.

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Malgré tout, les pauses ne pouvant pas durer éternellement, je repars sous une grosse pluie. Moi qui avais commencé à sécher, je reprends une bonne douche.


Direction le Mon Brûlé, avec une belle ascension à 2530m d'altitude. Je suis dans les pâturages avec pas grand monde autour de moi mis à part des vaches qui ne semblent pas du tout intéressées par la course. Quelles ingrates alors que nous venons les divertir !

42 km parcourus et environ 3150D+. Il bruine toujours mais la température reste douce donc tout va bien. Le prochain objectif est d'atteindre le ravitaillement de Prassurny mais il faudra pour cela se reprendre environ 1700m de dénivelé descendant. Un vrai parcours de montagnes russes sous une pluie toujours présente.


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Objectif atteint vers 19h alors que la pluie a enfin cessé depuis une 1h. Nous pouvons même apercevoir quelques éclaircies ici ou là. Le beau temps revient, le moral est en hausse.


Je consulte les nombreux messages reçus sur mon téléphone, entre les proches, les Bazenhos (Team Raid 28), les Pas Rapides, le FAVO et les Fondus, j'ai de quoi me distraire 🙏. Un grand merci à toutes et tous.


Pour la suite, je suis en terrain quasi connu puisque nous remontons sur Champex, que j'atteins alors que la nuit commence à tomber. C'est toujours un plaisir de retrouver ce lieu vraiment magnifique même si aujourd’hui, la lumière n’est pas exceptionnelle.

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En revanche, je risque de moins aimer ce qui m'attend maintenant puisque la course s'oriente vers une des variantes du tour du Mont Blanc, à savoir le passage par la fenêtre d'Arpette. Le panneau en bord du lac indique un temps de 3H50 pour les randonneurs pour environ 8km, soit un gros morceau. Vais-je réussir à faire moins ? Je n'en suis pas si sûr à ce moment-là, la fatigue commençant à bien se faire sentir.


Je mettrais finalement environ 3H15 pour arriver au sommet. La nuit qui est tombée ne permet pas de bien distinguer la pente mais les jambes elles, s'en rendent compte. C'est abrupt, rude, il n'y a plus réellement de sentier. Je chemine au milieu d'un enchevêtrement de rochers. Heureusement que le balisage est plutôt serré à cet endroit permettant de bien se diriger. Les bâtons deviennent inutiles. Mieux vaut avoir les mains libres pour pouvoir escalader plus facilement certains passages. J'ai dû m'arrêter certainement une quinzaine de fois dans cette montée, pour retrouver quelques forces, avec vers le haut un kilomètre en 45mn et le suivant en 53mn, record de lenteur battu.

 

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Alors qu'en enfin j'aperçois les panneaux indiquant le haut du sommet, je ne peux que savourer cette petite victoire sur moi-même. La course est encore longue puisque nous ne sommes qu'au 65ème kilomètre mais une grosse partie du dénivelé est déjà avalé (5000D+). Reste plus qu'à me laisser descendre vers le col de la Forclaz, prochain ravitaillement et donc prochain objectif. Mais le début de la descente ressemble à s'y méprendre à la fin de la montée. Il faut poser les mains, rester prudent et avancer pas à pas. Et malgré la prudence, un trou que je n'ai pas vu me fait tomber et surtout me tordre la cheville droite. Elle a déjà vrillé plusieurs fois pendant ma préparation donc je ne peux m'empêcher de pester contre moi-même. Même s'il n'y a pas réellement de douleurs sur le coup, je sais que cela la fragilise et qu'il me faudra redoubler de prudence pour éviter que cela ne se reproduise.


Il me restera quand même une image incroyable de cette descente lorsqu’à mi-chemin, je croise une concurrente, avec qui j'ai cheminé précédemment, allongée et dormant sur une pierre plate en plein milieu du sentier. Sur le coup, je me demande même si je ne vais pas être obligé de sauter par-dessus, histoire d'ajouter une petite difficulté supplémentaire mais non, il reste un petit passage sur le côté où je peux passer discrètement sans la réveiller. Ce n'est pas forcément le lieu que j'aurais choisi pour dormir, surtout que l'humidité accumulée dans la journée se fait bien sentir mais bon, pourquoi pas. A chacun sa stratégie ou difficulté face au sommeil 😊.


Je continue mon chemin, en mode marche, la nuit et un genou qui commence à me titiller m'empêchant finalement d'aller plus vite. Je serai rejoint vers le bas de la descente par un concurrent et la jeune "dormeuse", qui s’appelle Camille et qui a fini sa micro-sieste. C'est ensemble que nous arrivons au col de la Forclaz, vers 1h30, km 77, dans une auberge/ferme qui accueille le ravitaillement. Un hot-dog plus tard (décidément ces suisses…), me voilà requinqué pour continuer vers la 1ère base vie, km 90, où je pourrais faire une vraie pause. Comme depuis le début, ce segment est constitué d’une grande montée puis d’une grande descente permettant de basculer dans la vallée d’à côté. Je ne garde aucun souvenir de cette montée, certainement parce que cela allait plutôt bien. En revanche, dans la descente qui suit, mon genou gauche me gêne de plus en plus. Cela devient difficile de trottiner et encore plus de courir. Et pour ne rien arranger, je commence à bien ressentir une ampoule sous la voute plantaire, au pied droit pour rééquilibrer le bonhomme, résultat de la veille avec cette météo très humide. J’avais pourtant pris soin de mes pieds 3 semaines avant cette échéance mais cela n’a pas suffi.


C’est donc un peu dépité et plein de doutes que j’arrive à la base vie de Salvan, km 90 et 6200D+. Il est environ 6h le vendredi et cette 1ère vraie pause est la bienvenue. Je resterai 1h sur ce ravitaillement, le temps de me changer, de manger un peu, recharger en eau, lire les messages et surtout récupérer. Je ressors vers 7h alors que le jour se lève. En quittant la base vie, une bénévole m’indique que nous ne montons pas au col de la Golette qui devait être la prochaine et dernière très grosse difficulté. Ce qui nous fait économiser environ 500mD+ et 2h de course, ce qui n’est pas négligeable. Cela permet surtout de se repositionner au niveau kilométrage par rapport au kilométrage initial, le parcours de repli de début de course ayant eu tendance à augmenter la distance. En revanche, elle ajoute que nous passons par les gorges du Dailley avec 600 marches à gravir. Est-ce que cela doit me faire peur ? je ne suis plus à ça près même si les jambes sont dures, les genoux pas terribles et l’ampoule sous le pied me fait grimacer à chaque pas. Le jour se lève, le ciel reste très nuageux mais quelques coins de ciel bleu apparaissent timidement. C’est bon signe, je sens que le temps s’améliore. Le passage dans les gorges est réellement magique. Les escaliers ne sont finalement qu’une formalité, même après tout le dénivelé déjà réalisé.

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J’aborde ensuite la montée vers l’auberge de Salanfe, prochain ravitaillement. Le chemin est plutôt agréable, sans réelle difficulté malgré la pente. Je me fais doubler par des randonneurs qui me questionnent sur la course et m’encouragent. J’arrive finalement au pied du barrage de Salanfe, le sentier suivant le mur du barrage au plus près ou presque sur quelques 300m, mur terriblement impressionnant. Pourvu qu’il tienne 😊. Et vient enfin le ravitaillement où je découvre qu’en guise d’auberge, nous avons accès au sous-sol un peu glauque de l’auberge qui ne donne pas envie de s’attarder. Surtout que dehors, c’est enfin un grand soleil qui nous accompagne et le lieu est magnifique.

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Le prochain point est le sommet du col de Susanfe. L’occasion de retrouver du monde et notamment une cohorte de « fous » de la 360 et 660. Il fait beau, il fait chaud, le panorama est incroyable. Tous les ingrédients sont réunis pour passer une bonne journée. La montée se fait tranquille, à la vitesse autorisée par mes jambes. Je bascule ensuite de l’autre côté du col qui offre des paysages tout aussi splendides.

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En revanche, le physique me lâche. Je n’arrive plus du tout à courir dans cette descente. Le genou me gêne de plus en plus, mon ampoule idem et la cheville tordue plus tôt dans la nuit commence à bien se raidir. Le moral en prend un coup. A l’approche de Barmes, ravitaillement placé vers le 115ème kilomètre, ma décision commence à prendre forme. Je ne cours plus, je me fais doubler par tous les coureurs du 100km partis le matin même. En soit, ce n’est pas grave puisque nous ne sommes pas sur la même course mais cela influe malgré tout sur mon moral de les voir gambader alors que je traîne ma peine depuis de trop nombreux kilomètres. Je ne vois plus trop d’intérêt à continuer dans ces conditions, surtout qu’il reste encore une soixantaine de kilomètres pour rejoindre l’arrivée. J’appelle Brigitte pour lui dire que je vais m’arrêter là. Au ravitaillement, alors que j’indique à la personne qui semble être la responsable du poste que je veux abandonner, celle-ci me répond : Vous être sûr que c’est une bonne idée ? Je ne m’attendais vraiment pas à cette question mais oui, je pense que c’est la meilleure décision de la journée 😊. Il est 15h20 et je stoppe définitivement, soulagé. Je vois apparaître une heure après Camille, la « dormeuse », qui a également décidé de s’arrêter ayant mal elle aussi au genou. Ce n’était pas notre jour. Nous repartirons ensemble, d’abord en voiture de l’organisation puis en train pour rejoindre l’arrivée. L’occasion de découvrir que nous sommes quasiment voisins puisqu’elle habite à Montmorency et cours régulièrement dans notre belle forêt. Ce monde est vraiment petit 😊.


Le lendemain, je n’ai aucun regret, c’était la bonne décision. Il y a bien évidemment une petite pointe de déception car je me sentais prêt pour aborder toutes ces difficultés mais l’abandon fait partie du jeu sur ces longues distances. Il faut l’accepter. Les genoux et la cheville restent douloureux et il n’était pas utile d’en rajouter. Rien de grave, juste une sursollicitation ligamentaire. Un peu de repos, de renforcement musculaire et tout repartira vers un prochain objectif. Lequel ? Je ne sais pas encore mais l’hiver porte conseil 😊


Encore un grand merci à toutes et tous pour vos messages de soutien pendant la course. Je vous promets que c’est un sacré moteur mental pendant les moments difficiles.

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